L'eau dans tous ses états

« Tombe la neige, impassible manège »

Hiver 1902: le pronostiqueur Jules Capré, établi en Suisse sur les rives du lac Léman, annonce pour l’Europe occidentale un temps froid à partir du samedi 1er février, et dépressionnaire à partir du jeudi 6 février. Bien que les prévisions météorologiques n’en sont qu’à leurs débuts, et que les méthodes de Jules Capré sont souvent remises en doute, c’est bel et bien un véritable déluge blanc qui s’abat sur la Belgique le lundi 10 février 1902 entre 16h et 21h30. On parle de 30 cm dans le centre de Bruxelles, de 40 cm sur le haut de la ville, tandis que 35 cm de neige fraîche sont mesurés à Uccle. Cette dernière hauteur constitue toujours le record absolu en termes de chute de neige pour Bruxelles.

In de winter van 1902, aan de oever van het Zwitserse Meer van Genève, voorspelde Jules Capré een stevige koudeprik voor West-Europa vanaf zaterdag 1 februari, gevolgd door een lagedrukgebied vanaf donderdag 6 februari. Hoewel de meteorologie nog in de kinderschoenen stond en de methodes van Jules Capré in twijfel werden getrokken, gingen op maandag 10 februari 1902 de hemelsluizen open boven België en viel de sneeuw met bakken uit de lucht, van 16 tot 21.30 uur. Het Brusselse stadscentrum lag al snel bedolven onder een sneeuwtapijt van wel 30 cm dik. De hoger gelegen delen van de hoofdstad maten zelfs 40 cm sneeuw, terwijl in Ukkel 35 cm aan verse sneeuw werd opgetekend. Die laatste meting zou de geschiedenis ingaan als de absolute recordhoogte in Brussel.

[Archives de la commune d’Ixelles, Extrait du registres des délibérations du Conseil communal, année 1874 [séance du 20 mai 1874], Archives de la commnue d’Ixelles |  Uittreksel van de notulen van de gemeenteraadszittingen, jaar 1874, [zitting van 20 mei 1874], Gemeenterachief van Elsene]

Le lendemain matin, à l’aube du Mardi gras, les voiries sont évidemment impraticables. La journée est cependant synonyme de dégel partiel, et une grande partie de la neige est rapidement transformée en boue. Cela n’améliore cependant pas réellement la situation. À Ixelles, l’hebdomadaire d’opposition L’Éveil publie le dimanche 16 février un article intitulé « Ixelles cloaque ». Il y dénonce la passivité des autorités communales face à cet épisode neigeux d’une intensité exceptionnelle, arguant que rien n’a été fait avant le mercredi matin, soit près de 36 heures après les chutes de neige. D’autres communes, telles que la Ville de Bruxelles, avaient pour leur part mobilisé les ouvriers communaux en nombre dès le lundi soir afin de rendre les grandes voies praticables. Les voiries de la commune  d’Ixelles sont du coup décrites dans l’article comme « un bourbeux cloaque de fange, d’immondices et de neige accumulées ».

On évoque également dans l’article les policiers de la commune sonnant aux portes pour rappeler aux habitants leurs obligations. Effectivement, depuis 1874, le règlement de police prévoit que chaque habitant est responsable du déneigement du trottoir situé devant son immeuble. Et il en va toujours de même près de 150 ans plus tard.

De volgende ochtend, in de vroege uurtjes van Vette Dinsdag, lagen de wegen er dan ook onbegaanbaar bij. Doorheen de dag smolt de sneeuw gedeeltelijk weg. Wat overbleef, veranderde grotendeels in modder, wat weinig bevorderlijk was voor de situatie. In Elsene verscheen op zondag 16 februari in het oppositieblad L’Éveil het artikel Ixelles cloaque (“Modderpoel Elsene”). De auteur hekelde de buitensporige passiviteit van het gemeentebestuur, dat pas op woensdagochtend – 36 uur na de sneeuwbui – ingreep. Andere gemeenten, waaronder de Stad Brussel, hadden maandagavond al gemeentearbeiders ingeschakeld om de grote lanen begaanbaar te houden. De wegen in de gemeente Elsene daarentegen werden in het artikel omschreven als “een vieze modderpoel vol vuiligheid en opgehoopte sneeuw”.

Het artikel wees ook de politieagenten van de gemeente met de vinger, die bij de bewoners aanklopten om hen te wijzen op hun burgerplicht. Het politiereglement stelt inderdaad sinds 1874 dat het de verantwoordelijkheid is van elke bewoner om de stoep vóór de eigen woonst vrij van sneeuw te maken. Dat geldt 150 jaar na datum overigens nog steeds.

On n’en finit d’ailleurs que très tardivement avec l’hiver 1902, étant donné qu’il neigea encore sur Bruxelles le 13 mai de cette année, ce qui constitue la chute de neige la plus tardive pour Bruxelles.

Tot slot geven we nog mee dat de winter van 1902 uitzonderlijk lang aanhield. De laatste sneeuwbui viel toen immers op 13 mei. Nooit zou het zo laat op het jaar nog sneeuwen in de hoofdstad.

 

[Page du  journal L’Éveil du 16 février 1902, Collection des périodiques de presse, Collection des périodiques de presse, Archives de la commune d’Ixelles | Pagina van de krant L’Éveil van 16 februari 1902, Verzameling van perstijdschriften, Gemeentearchief van Elsene]
Retranscription de l’article « Ixelles-cloaque » | Afschrift van het krantartikel « Ixelles-cloaque »
La neige est tombée dru lundi, par paquets, en avalanche presque, recouvrant le sol à une épaisseur de 25 centimètres. Sur certains points le vent l’accumulait à un demi mètre de hauteur et au-delà et ces proportions étaient même dépassées de beaucoup dans les parties à découvert.
Depuis de nombreuses années on n’a plus vu une aussi considérable chute de flocons blancs.
À Bruxelles, à la première heure, 642 ouvriers ont été embauchés pour le déblaiement de la masse de neige tombée et dès mardi la circulation normale était rétablie dans la plupart des artères fréquentées ; le déblai continuait dans les rues secondaires.
D’abondantes chasses d’eau aidaient les déblayeurs.
À Saint-Josse, dès mardi, chaussée de Louvain, on ne se serait guère douté qu’il avait neigé.
À Ixelles, au contraire, on n’a rien fait avant mercredi matin, moment auquel une douzaine d’ouvriers se sont tout doucettement amenés chaussée de Wavre, près de la porte de Namur, et ont commencé cahin-caha à mettre la neige en petits tas sur les accotements.
Vers midi les chaussées d’Ixelles et de Wavre étaient en partie praticables.
Mais il n’en est pas moins vrai que pendant 45 heures on n’a rien fait du tout, sinon de répandre du sel, et que notre commune ressemble encore, à l’heure où nous écrivons cet article, à un bourbeux cloaque de fange et de neige accumulés, où les piétons pataugent jusqu’aux genoux. Quant aux voies secondaires, il ne faut pas penser qu’on y fera quelque chose. C’est à chaque saison la même répétition.
La neige tombe ; la police sonne aux portes pour inviter les habitants à déblayer les trottoirs. On refoule la neige vers le milieu de la rue et là elle séjourne jusqu’à ce qu’il plaise au soleil de la faire fondre, ce qui, sans doute, est encore, d’après l’Administration, le moyen le plus économique de nous en débarrasser.
L’impéritie de l’Administration s’est de nouveau accusée ici d’une façon tellement évidente qu’on se demande s’il y a bien une administration à Ixelles.
Sans compter qu’il y a un réel danger au point de vue de la santé publique de laisser les neiges séjourner et fondre dans les rues.
Nous reviendrons sur cette question de déblaiement des neiges et nous verrons, entre autres, le moment où le travail sera terminé. Mais nous n’osons espérer que ce sera chose faite de si tôt.

***

P.S. Nous recevons à l’instant sur la question la lettre qu’on va lire ; elle reflète exactement les sentiments de l’unanimité des habitants d’Ixelles.
Monsieur le Directeur de l’Éveil,
Permettez à un de vos vieux abonnés d’emprunter quelques centimètres des colonnes de l’Éveil, pour faire entendre une protestation énergique contre l’état de scandaleuse malpropreté dans lequel se trouvent les rues de notre commune depuis la tombée de neige de lundi passé.
Si les grands hommes qui composent le Collège échevinal d’Ixelles avaient dû inventer un système de nettoyage de la voirie, l’on passerait condamnation, étant donné que leurs soucis consistent plutôt à faire voter des emprunts et des impôts intempestifs. Mais ils ont à leur porte, à Bruxelles, un exemple frappant :
À partir du moment où l’on quitte le territoire de notre commune pour descendre en ville, on se trouve dans des rues propres et bien balayées (je parle évidemment des grandes artères). Chez nous, rien de pareil ; à l’heure actuelle une centaine de mètres, chaussée d’Ixelles, ont reçu un coup de pinceau sérieux ; partout ailleurs, de la boue, de la neige, de l’ordure.
Au lieu de voter de lourdes charges destinées à mettre en valeur des terrains excentriques, mieux vaudrait consacrer quelque argent à rendre abordable la partie bâtie, assez considérable pourtant, de la jolie commune d’Ixelles ; ce faisant on faciliterait peut être moins les grosses spéculations de terrains, mais on donnerait une satisfaction légitime, à la quasi unanimité de nos concitoyens.
Merci, si vous m’accordez l’hospitalité, et par-dessus le marché mes meilleures salutations
M. Rosart, agent de change

 

© Archives de la commune d’Ixelles | Gemeentearchief van Elsene

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