Théâtres, cinémas et salles de spectacles

Le Whalll, Centre Culturel et de Congrès de Woluwe-Saint-Pierre

La construction de l’aile du Centre Culturel de Woluwe-Saint-Pierre, attenant à l’actuel Hôtel communal, ne s’est pas faite sans peine. Pour situer le contexte, le 10 juin 1961, le bourgmestre Jean Evrard[1] pose officiellement la première pierre de l’Hôtel communal. Les travaux de la première partie de celui-ci (première aile et beffroi) se terminent en 1966. La dernière phase de construction, l’aile du Centre Culturel, commence en 1967 et doit se terminer en 1970. Mais c’est sans compter les 2 faillites qui vont mettre le chantier à l’arrêt pendant plusieurs mois : celle de l’entrepreneur principal et celle de l’entrepreneur de chauffage. Le toit n’est pas posé, et par conséquent il pleut dans une partie du bâtiment !

[Achèvement de la 1ere aile de l’Hôtel communal, l’avancement de l’aile du Centre Culturel est en stand-by, Archives communales de Woluwe-Saint-Pierre]

 

En janvier 1971, la majorité politique change et François Persoons[2] devient bourgmestre.  Il hérite alors non seulement d’un projet, mais d’une réalisation en cours dont les plans conçus 25 ans plus tôt, se révèlent largement dépassés à bien des égards : techniques, volumes, acoustiques, etc.

Ce projet est, selon François Persoons, marqué par la mégalomanie : il comprend une salle de spectacle de 800 places et une salle de mariage avec une hauteur sous plafond de 12 mètres, une tribune, une galerie et un espace où, ironise le nouveau bourgmestre, l’on pourrait marier 200 couples à la fois ! Les mariages se tiendraient, comme le Conseil communal, au 2e étage, sans qu’un ascenseur soit prévu. En dehors de ces deux grandes salles, il n’y a pratiquement aucune utilisation prévue sauf l’extension des services de la population[3]. L’entrée du Centre Culturel doit s’opérer par un escalier monumental inspiré du Pont des Soupirs à Venise et comptant 35 marches (pas très pratique sans ascenseur !) [4].

[Maquette du projet initial de l’Hôtel communal. L’escalier monumental du Centre Culturel n’a jamais été réalisé – Extrait du livre Histoire et Terroir, D’après l’ouvrage LACROIX (G.), sous la dir. de Woluwe-Saint-Pierre, aparté, Bruxelles, 2012, p. 265]

D’autre part, la seule activité culturelle prévue est celle du théâtre. Or, la nouvelle majorité veut développer le pôle culturel à Woluwe-Saint-Pierre en adjoignant une bibliothèque publique, une médiathèque[5] et des salles d’exposition. Elle veut mettre en place une programmation qui couvre tout l’éventail de la culture, avec une activité qui ne se limite pas à la diffusion mais qui s’étende aussi à la prospection aux coproductions[6].

Woluwe-Saint-Pierre est en pleine mutation, l’époque des sociétés où dominait l’initiative privée est révolue. Les mentalités en matière de loisirs évoluent et de nouvelles structures sont mises en place. L’amélioration du niveau de vie permet au plus grand nombre de profiter des loisirs, alors qu’ils étaient réservés jusqu’il y a peu, encore à un public restreint. La pratique des loisirs est devenue un véritable besoin[7].

Une question se pose : faut-il maintenir et finaliser le projet tel quel ou bien le repenser complètement ? La réponse ne tarde pas à se faire savoir. Dès le mois de mars 1971, le Collège des bourgmestre et échevins décide de créer un comité technique, composé de personnalités qualifiées pour leurs compétences dans l’acoustique, la vision, la décoration, la technique de scène et de salles de spectacles, etc. Il faut repenser les vastes locaux existants[8] et revoir tout le projet !

Le comité formule des remarques précises : l’auditorium, dépassé du point de vue scénique et acoustique, est fort inconfortable ; la visibilité y est insuffisante, la décoration envisagée est également dépassée ; les volumes intérieurs sont démesurés et occasionnent la perte de surfaces importantes susceptibles d’accueillir d’autres activités. Conclusion générale : le bâtiment est plus propice au prestige qu’au fonctionnel. François Persoons veut bannir les somptuosités inutiles (marbreries, lustreries, ferronneries) pour préférer un Centre Culturel fonctionnel, accessible à tous grâce à la variété des activités qui pourront s’y dérouler.

C’est dans ce but que le Bourgmestre propose au Collège de confier la tâche ardue de reformuler l’ensemble du bâtiment et de son architecture intérieure à Christophe Gevers, jeune et brillant spécialiste qui avait déjà à son actif des réalisations telles que le Passage 44, boulevard du Jardin Botanique (Bruxelles-Ville)[9].

Tout a été retravaillé, étage par étage, afin de revoir les volumes  :

  • La création de 2 niveaux supplémentaires a augmenté la surface utile de plus de 1.500 m². En réduisant la hauteur de la salle polyvalente[10] (qui, outre sa fonction culturelle, servira aussi de salle pour le Conseil communal ainsi que pour les bals, les banquets, les réceptions…). Un étage supérieur a été ajouté, occupé par trois salles de réunions et par les bureaux de l’administration du Centre. L’entrée a été reconsidérée : au lieu d’un escalier monumental en marbre, la moitié du niveau a été récupéré pour servir de salle des mariages par laquelle on accèdera de plein pied à partir de l’esplanade.
  • Au même niveau se trouve la Médiathèque[11], accessible depuis le hall des guichets de l’Hôtel communal via la salle destinée aux expositions.
  • Il est également prévu, au niveau de la salle de spectacle, un petit théâtre expérimental servant aussi comme cabaret littéraire et artistique. L’installation d’une cabine de projection permet les séances de cinéma dans la grande salle.
  • Un ascenseur dessert les différents niveaux[12].

[La salle polyvalente (actuellement Salle Fabry) en 1982 – Archives communales de Woluwe-Saint-Pierre]

 

 

[La Salle Fabry en 1999 après travaux – Archives communales de Woluwe-Saint-Pierre]

 

[Cabaret littéraire et artistique (actuellement le Whalll station – Archives du Centre culturel]

Pour compléter la transformation, François Persoons décide d’adjoindre au Centre Culturel une infrastructure de Centre de Congrès (cabines de traduction simultanée, salons, salles de réunions). La dénomination de « Centre Culturel » devient alors la « Maison de la Culture et du  Centre de Congrès ».

En 1975, on arrive au bout des travaux colossaux menés au Centre Culturel. Sa gestion est assurée par l’Association Culturelle de Woluwe- Saint-Pierre, une ASBL bilingue dont le président est François Persoons et l’administrateur délégué Jacques Van den Haute, échevin de la Culture[13].

[Le Centre Culturel (aile droite) et la Maison communale (aile gauche), après les travaux – Archives communales de Woluwe-Saint-Pierre]

Sur proposition de Christophe Gevers, il est décidé que chaque salle soit dénommée par un nombre correspondant à sa capacité d’accueil de public. La salle de spectacle a donc été étiquetée « Auditorium 700 », la salle polyvalente est devenue « Bal 300 » (aujourd’hui appelée Salle Fabry), une « Salle 150 » (aujourd’hui appelée la Passerelle) voisine avec « Expo 120 », etc[14].

Didier Demeter, directeur de la Maison de la Culture de l’époque, témoigne : « La date et le programme de l’inauguration durent être fixés plusieurs mois à l’avance. Le 1er juin très exactement (c’était un dimanche !), dès l’annonce de la proclamation des lauréats au Concours Reine Elisabeth. Nous « voulions » Larry Graham, prix du public, et il fallait négocier plus vite que la concurrence… Mais au début septembre, une inquiétude s’installa. La salle et les accès intérieurs seraient prêts, mais les abords de la Maison de la Culture étaient toujours en plein chantier. Les plus pessimistes nous décrivaient déjà le spectacle des gens pataugeant dans la boue pour gagner l’entrée… Il y eut du stress, les jours passaient, le chantier n’avançait guère… Ce fut limite, mais les travaux et le nettoyage des accès se terminèrent juste à temps : les souliers vernis ne furent pas crottés. Et la soirée fut très belle !»

 La soirée d’inauguration se déroule donc le jeudi 18 septembre 1975 avec un concert dans la grande salle donné par le talentueux pianiste américain Larry Graham, accompagné de l’Orchestre national de Belgique, sous la conduite de Roger Rossel.

[Annonce de la soirée d’inauguration du Centre Culturel 18 septembre 1975]

 

En un an, le Centre comptabilise 120.000 entrées[15]. C’est un taux qui n’a jamais été atteint dans aucun autre centre culturel de Belgique. Les affaires marchent plutôt bien jusqu’à ce que les subventions promises par le Ministère de la Culture Française ne soient plus versées !

Pour la petite histoire, l’ASBL qui gère la Maison de la Culture et du Centre de Congrès, du fait d’être une association bilingue, présente une grande difficulté sur le plan du financement : pendant les premières années, aucune subvention globale ne peut être obtenue de la part du Ministère de la Culture française. Seules certaines activités ponctuelles reçoivent des subventions (minimes).

Au début de l’année 1979 est finalement établi un projet de convention entre le ministère de la Culture française et l’Association Culturelle de Woluwe-Saint-Pierre afin de bénéficier d’importants subsides. Le 5 avril 1979, cette convention est signée. Mais le signataire engageant le Ministère de la Culture française n’est autre que… François Persoons, devenu depuis 1977 Secrétaire d’État ! L’exécution sera très chaotique. Le FDF[16] ayant été éjecté du gouvernement, les subventions promises seront diminuées par les successeurs de Persoons, elles tarderont à être versées, puis seront supprimées…[17]. L’avenir de la Maison de la Culture est largement compromis ! Le Centre Culturel risque de fermer ses portes une bonne fois pour toutes ! Finalement (et heureusement) la fermeture n’a pas lieu. En juillet 1982, le ministère de la Culture française finit par verser une première partie des subsides, et la totalité pour la fin de l’année, ce qui a permis de débloquer petit à petit la situation.

[« Woluwe et la gestion de la Maison de la culture », dans Le Soir, 11 janvier 1982]

[« On ferme », dans Pourquoi pas?, 11 février 1982, p. 19]

 

[« La Maison de la Culture continue », dans Wolu 2000, octobre 1982, p.19]

En 2012, l’ASBL Maison de la Culture et de Centre de Congrès change de nom et s’appelle désormais le Whalll.

[Whalll actuel, Archives du Centre culturel]

 

[1] Bourgmestre de Woluwe-Saint-Pierre de 1947 à 1971

[2] Bourgmestre de Woluwe-Saint-Pierre de 1971 à 1981

[3] Revue Wolu2000 1971 n°000

[4] Revue Wolu2000 sept 1975 n°34

[5] En réalité, un comptoir de la Médiathèque nationale et un local pour l’écoute de disques

[6] « Fragments d’histoire », mémo de Didier Demeter, ancien directeur de la Maison de la Culture de Woluwe-Saint-Pierre

[7] Livre « Histoire et Terroir », D’après l’ouvrage LACROIX (G.), sous la dir. de Woluwe-Saint-Pierre, aparté, Bruxelles, 2012, p. 286

[8] Revue Wolu2000 1971 n°6

[9] Revue Wolu2000 mars1976 (article de Jacques Vandenhaute, échevin de la culture)

[10] Actuelle Salle Fabry, rénovée depuis 1999. L’étage intermédiaire des années 1970 est supprimé et la salle retrouve le volume spacieux du projet de 1949

[11] Devenue la bibliothèque, et actuellement les bureaux du service Emploi

[12] Revue Wolu2000 nov1975 (article de Jacques Vandenhaute, échevin de la culture)

[13] 1974 Guide pratique de Woluwe-Saint-Pierre

[14] Anecdote de Didier Demeter, ancien directeur de la Maison de la Culture de Woluwe-Saint-Pierre

[15] Revue Wolu 2000 octobre 1976

[16] Actuellement « Défi » : Démocrate Fédéraliste Indépendant

[17] « Fragments d’histoire », Didier Demeter, ancien directeur de la Maison de la Culture de Woluwe-Saint-Pierre

 

Nous tenons à remercier Patricia Meerts, Didier Demeter, Maxime Munson et Patrick Rahier pour leur contribution et leur aide à l’élaboration de cet article.

 

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