Lieux de culte et cimetières

Le cimetière de Laeken : le Père-Lachaise bruxellois.

Plus ancien cimetière de Bruxelles encore en activité, et dernier cimetière dit « paroissial », c’est-à-dire construit autour d’une église, le cimetière de Laeken est un cas unique dans le patrimoine architectural bruxellois.

Historique

Aucune source ne permet de situer précisément sa construction, mais des traces le font remonter jusqu’au VIIIe siècle pour le lieu de recueillement, et au XIIIe siècle pour la première église en son centre.

[Église de Notre-Dame de Laeken et chapelle Sainte-Anne, gravure extraite de l’ouvrage de A. Sanderus, Chorographia sacra Brabantiae (1659),  graveur: J. Harrewijn, réf. K-860, AVB.]

Le destin du cimetière bascule à la mort de Louise-Marie d’Orléans, épouse de Léopold Ier, en 1850. Le Roi décide alors de la construction d’un nouvel édifice néogothique et d’une crypte destinée à accueillir les membres de la famille royale, installée à Laeken depuis 1831. Le projet sera confié à Joseph Poelaert à l’issue d’un concours d’architecture (qu’il remporta sous le pseudonyme de Paul du Bois).

La première pierre de la nouvelle Notre-Dame de Laeken est posée en 1854. Chantier titanesque, l’église ne sera consacrée qu’en 1872, et le gros œuvre ne sera pas achevé avant 1907. Toutefois, les décorations extérieures et les statues initialement prévues ne seront jamais réalisées. L’ancienne église, quant à elle, sera laissée à l’abandon et se dégradera lentement jusqu’en 1900, où elle sera démolie, à l’exception du chœur, fermé par un porche néogothique.

[Église Notre-Dame de Laeken. Parvis notre-Dame, 1935, carte postale éditée par Albert Dohmen (n°102), réf. W-550, AVB]

À partir de ce nouveau chantier royal, le cimetière de Laeken devient le lieu d’inhumation privilégié de l’aristocratie et de la haute-bourgeoisie bruxelloises, et les plus grands noms y font construire leurs concessions. Si cet « effet de mode » est critiqué par certains, c’est également par-là que le cimetière gagne ses lettres de noblesse, par la qualité et la beauté des œuvres que les visiteurs ne manquent pas de venir admirer.

Arthur Cosyn écrit en 1906, dans un guide du cimetière édité par la commune de Laeken : « A côté de mausolées  prétentieux élevés par l’éternelle vanité humaine, comme il s’en trouve dans tous les cimetières, on y voit de nombreux monuments dont l’architecture est remarquable. » Des mots mêmes de l’historien, le cimetière de Laeken est devenu le « Père-Lachaise » bruxellois.

La révolution Émile Bockstael

Malheureusement, cette célébrité soudaine s’accompagne bientôt d’un problème logistique d’ampleur : le manque de place, et les problèmes en matière d’hygiène liés à la surpopulation. Cet enjeu crucial devient l’un des principaux grands chantiers pour la commune de Laeken, et pour l’échevin, ingénieur et futur bourgmestre, Émile Bockstael. Sa première mesure est de doubler la superficie du cimetière, puis, en 1879, il lance la construction de grandes galeries souterraines, à la pointe de la modernité, notamment en matière d’hygiène publique. Ce projet sera même présenté à l’Exposition d’hygiène de Paris en 1904, où il  sera récompensé d’une médaille d’or. Les premières places de ces galeries sont occupées par les anciennes stèles recueillies après le début du chantier de modernisation de l’ancienne église.

[Le cimetière en 1906, plan, extrait de la brochure Le cimetière de Laeken éditée par la commune de Laeken (1906), p. 20-21]

[Les galeries – photo, extrait de la brochure Le cimetière de Laeken éditée par la commune de Laeken (1906), p.34-35]

 

À la mort d’Emile Bockstael, en 1920, un grand monument funéraire sera édifié en son honneur, et placé à l’entrée des galeries souterraines. Le buste le représentant est l’œuvre de l’atelier du sculpteur Ernest Salu, à l’origine de nombreux autres monuments du cimetière.

 [Mémorial de Feu M. le Bourgmestre Émile Bocsktael », 1922, réf. NPP-G2, AVB]

 

Quelques œuvres célèbres 

S’il est impossible de faire ici une liste exhaustive de tous les édifices remarquables du cimetière, certains peuvent être mis en lumière.

[Statue de Juliaan Dillens, sur le tombeau de la famille Moselli – photo, extrait de la brochure Le cimetière de Laeken éditée par la commune de Laeken (1906), p. 23 et 27]

 

[Les Trois âges, statue d’Isidore De Rudder sur le caveau de la famille De Ro – photo, extrait de la brochure « Le cimetière de Laeken » éditée par le conseil communal (1906), p. 13]

 

[Statue du monument  Ghémar par Albert Ernest Carrier-Belleuse (maître de Rodin) – photo, extrait de la brochure Le cimetière de Laeken éditée par la commune de Laeken (1906), p. 32]

 

 

[« Le Penseur » : un des 22 originaux créés par Auguste Rodin, racheté au Musée Rodin par le marchand d’art bruxellois Joseph Dillens pour sa concession – Image Wikipedia]

 

La chapelle Malibran

L’un des édifices les plus remarquables et émouvants n’est toutefois pas le caveau d’une grande famille de l’aristocratie ou d’un homme politique, mais celui d’une cantatrice. Née en 1808, Maria-Felicia Garcia, dite « la Malibran » (du  nom de son premier époux) devient très jeune l’une des cantatrices les plus populaires et admirées de son temps.

Son décès prématuré en 1836 des suites d’un accident d’équitation choque le monde. Son corps  est rapatrié de Manchester à la demande de son époux Charles-Auguste de Bériot, compositeur belge, pour être inhumé à Laeken. Un comité est créé pour élever un mausolée. Les dons affluent, et le monument est rapidement construit. Une chapelle à la porte de bronze très ouvragée accueille en son sein une somptueuse statue représentant la jeune femme, œuvre du sculpteur Guillaume Geef. Sur le socle de la statue est gravé l’hommage du poète Alphonse de Lamartine à la cantatrice :

 

« Beauté, génie, amour, furent son nom de femme,

Écrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix ;

Sous trois formes au Ciel appartenait cette âme.

Pleurez, terre ! Et vous, Cieux, accueillez-là trois fois ! »

 

[L’entrée de la chapelle et la statue de la Malibran à l’intérieur sculptée par Guillaume Geefs -photos, extrait de la brochure Le cimetière de Laeken éditée par la commune de Laeken, p. 30-31]

 

Pour en savoir plus 

  • Arthur COSYN (préface de Louis Houba et Émile Bockstael), « Le cimetière de Laeken » (1906), Bruxelles, brochure éditée par le conseil communal de Laeken, 1906 [présente dans le permis d’urbanisme relatif à la construction du monument funéraire à Émile Bockstael, 1921-1933, TP 72673, Archives de la Ville de Bruxelles].
  • Muriel PIAZZA (en collaboration avec les services Eco-Conseil, Espaces verts et Archives), « Cimetière de Laeken », Bruxelles, Ville de Bruxelles, 2013. Disponible en ligne ici
  • Marcel CELIS, Cimetières et nécropoles, Bruxelles, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, coll. « Bruxelles Ville d’Art et d’Histoire (n°38), 2004. Disponible en ligne ici
  • Inventaire du patrimoine architectural – Urban.brussels
  • Christian SPAPENS et Charles GOMBERT (dir.), « L’église Notre-Dame de Laeken : un mémorial inachevé », Bruxelles, ASBL CIDEP (Centre d’Information, de Documentation et d’Etude du Patrimoine), 2006.

 

Pour visiter le cimetière de Laeken

  • Parvis Notre-Dame – 1020 Bruxelles
  • Heures d’ouverture :  du mardi au dimanche, de 08h30 à 16h00. Fermé le 1er janvier et le 25 décembre.
  • Accessibilité en transports en commun : Tram 62-93 (arrêt Princesse Clémentine), Métro ligne 6 (station Bockstael)
  • Accès PMR : oui.

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2 thoughts on “Le cimetière de Laeken : le Père-Lachaise bruxellois.”

  1. Bonjour,

    Pourriez-vous m’indiquer l’emplacement du monument funéraire (s’il existe) de Rémy Bouvier, horloger, orfèvre, négociant bruxellois, natif de Mariembourg et décédé à Bruxelles, le 27 juillet 1861.
    Dans son testament olographe daté de Paris, 20 juillet 1855, joint à l’inventaire après décès, il demandait que « soit prélevé 5000 francs, pour qu’avec cette somme, il me soit construit un tombeau à perpétuité dans le cimetière de Laken »Peut-être disposez vous de photographies.

    Dans le même ordre d’idée, concernant la tombe d’Albin Zéphir Demeur, décédé à Ixelles (non à Bruxelles) le 26 février 1872

    Cordialement,

    Jean-Pierre De Caluwé

    1. Bonjour,

      Je ne pense pas que le service de l’Urbanisme de Bruxelles qui a rédigé cet article serait en mesure de vous répondre ici. Je vous invite à prendre contact directement avec les Archives de la Ville de Bruxelles pour leur poser toutes vos questions : archives@brucity.be.

      Bien à vous,

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