Il y a dans ce monde des âmes nobles, qui cherchent à multiplier le bien, qui cherchent à encourager, consoler, relever, fortifier, et à édifier les autres. » Henri-Frédéric Amiel.
[Albert Eylenbosch – Ouvrage l’envers du décor, 2006, Forum Bruxellois de lutte contre la pauvreté]
Personnalité référente en termes de politique sociale à Saint-Gilles, surnommé Monsieur CPAS, grâce à son travail remarquable à la tête du CPAS de Saint-Gilles, président de la Fédération des CPAS bruxellois et disciple du bourgmestre Jacques Franck. La carrière d’Albert Eylenbosch était remplie de défis toujours relevés et très souvent gagnés selon ses proches. Il était un homme soucieux de justice sociale pour les plus démunis et de caractère autoritaire comme il se décrivait lui-même.
Né à Rhode Saint Genèse le 26 mai 1929, il a passé une partie de son enfance dans le Vieux Rhode avec ses parents, puis a déménagé à Molenbeek (Boulevard du Jubilé) tout en faisant ses écoles à Saint-Gilles. Il commença tout jeune à l’Athénée communal dont il est devenu très vite un pur produit saint-gillois. Il a poursuivi un enseignement communal d’une qualité extraordinaire dont les principes de base étaient ceux du libre examen enseigné par ses professeurs.
Licencié en Sciences économiques à l’ULB, après avoir fait un court passage en études de médecine, le jeune Albert devient passionné pour les livres. C’était dans les mondes créés par Alexandre Dumas et Kipling qu’il adorait passer son temps, un loisir appris de son père et de son professeur Félicien Favresse, ses guides de lecture.
Les raisons pour lesquelles Albert Eylenbosch faisait du combat social sa lutte personnelle reste jusqu’à maintenant inconnu. Néanmoins, des témoignages indiquent qu’à son passage aux Régies (électricité et gaz), il a eu l’opportunité de connaître en profondeur les besoins de la population, son travail étant de mener à bien la conversion des foyers au gaz naturel. Une tâche qui lui a donné l’opportunité de visiter chaque maison de la commune et de connaître les nécessités des Saint-gillois.
L’homme cultivait en outre un goût particulier pour le domaine de la biologie et le progrès médical de façon autodidacte. Ce passe-temps personnel présageait bien de ce qui allait se passer: à savoir son arrivé à la présidence de la Commission d’Assistance Publique de Saint-Gilles en 1971, où un de principaux défis déterminés par le bourgmestre Jacques Franck était de reconstruire l’Hôpital Molière qui était dans un état déplorable.
Tout au long de sa carrière, c’est le souci des personnes qui a guidé son action vers les plus faibles, les plus défavorisés et particulièrement auprès des enfants. Dès février 1977, il désignait Monsieur Kuypers comme architecte chargé de la reconstruction par étapes de l’hôpital Molière Longchamp, un projet qui le tenait tout particulièrement à cœur et un défi qui le mènera à une série de combats.
[Visite du bourgmestre Jacques Vranckx à la salle de pédiatrie de l’hôpital Molière, date inconnue, Archives du CPAS de Saint-Gilles]
Le combat qu’il mènera avec force et noblesse portait sur la maltraitance des enfants. À cet égard, c’est à son initiative que la tutelle des pupilles de la CAP fut organisée. Eylenbosch était réellement convaincu que c’était les enfants qui arriveraient à faire changer les choses. L’analyse de la situation des enfants, l’amena à être à l’initiative d’une asbl aujourd’hui encore présente et toujours agréée par les autorités: le CEMO (centre d’éducation en milieu ouvert) créée en 1978. Cette structure préventive propose un accompagnement des jeunes ayant besoin d’un soutien socio-psychologique individualisé et cela jusqu’à 18 ans.
Les malades, les enfants, les personnes sans domicile fixe, etc. pas un seul combat social auquel il n’était investi. Après l’appel de Coluche contre le gaspillage de nourriture en France et Europe, Albert Eylenbosch décida d’ouvrir le premier « Resto du Cœur » belge en 1985.
Après avoir passé un hiver rigoureux en 1984-1985 et avec une vision avancée pour son époque, il créa le « Forum Bruxellois de lutte contre la pauvreté » afin de proposer un espace de rencontre et différentes approches en faveur des plus démunis. Au fil des années, la finalité de cette organisation est toujours de traiter de l’exclusion sociale en Région bruxelloise et de trouver des solutions aux problèmes liés à la paupérisation.
Albert Eylenbosch a indubitablement marqué Saint-Gilles. Connaisseur d’art, il a su incorporer tous les aspects de sa vie pour devenir un président s’intéressant à tous les domaines de la population de sa commune chérie. En compagnie de l’échevin de la culture de l’époque Alain Hutchinson, ils ont donné vie à L’asbl « Rencontres Saint-gilloises » et organisé le premier Parcours d’Artistes en 1988, en vue de mettre en évidence les artistes de la commune.
[Albert Eylenbosch et le peintre belge Serge Creuz lors de l’inauguration de la fresque à l’hôpital Molière, 1991, Archives du CPAS de Saint-Gilles]
Un président qui prenait le tram pour rencontrer les usagers de son CPAS c’était probablement du jamais vu. Cet homme singulier connaissait son public et aimait être sur le terrain afin de proposer des solutions concrètes et durables. Partant de ce principe, Eylenbosch décide en 1989 de s’attaquer aux problèmes de logement et fonda l’asbl CAFA (Centre d’Accompagnement et de Formation pour Adultes). Une asbl qui servira de lieu d’appui et qui passera par la gestion en urgence de la crise énergétique laissée par les rigoureux hivers en 1985 à la prévention organisée, donnant de l’aide dans l’ensemble des secteurs traités au CAFA (énergie, endettement, emploi, santé, logement).
[Remise de prix Bruxellois de l’année VLAN, 1992, Archives du CPAS de Saint-Gilles]
Comme disait Simone Veil dans son poème Il restera de toi : « ce que tu as donné, en d’autres fleurira ». Une juste reconnaissance est arrivée en 1992 et 1995 par les lecteurs du journal VLAN qui l’ont élu Bruxellois de l’année.
Ce combattant du social montrait que les seuls combats perdus sont ceux qu’on ne mène pas. À la suite des menaces qui pesaient sur le « Resto du Cœur » de Saint-Gilles, dont la maison était vendue, Albert Eylenbosch ne resta pas les bras croisés et décida d’écrire au Palais Royal. De ce fait, le Roi Baudouin s’est rendu sur place le 11 mars 1993 pour voir de première main la situation des sans-abris et des démunis à Bruxelles.
[Visite du Roi Baudoin au CPAS de Saint-Gilles et au « Resto du Cœur », 1993, Archives du CPAS de Saint-Gilles]
La marque Eylenbosch restera parmi tous et toutes celles qui l’ont connu. Son CPAS lui a par ailleurs octroyé le titre de président honoraire en 1996 et, en 1999, le conseil communal lui rend un solennel hommage pour ses 25 ans de mandat.
La plus grande faiblesse des altruistes est de ne pas se valoriser ce qui n’empêcha pas Eylenbosch d’être le premier président du CPAS à apparaitre sur la couverture du magazine Trends, organe de presse financière qui rencontra un incrédule Albert Eylenbosch au cœur de la côte belge, lieu de viligiature favori, afin d’évoquer la crise des recettes du CPAS en 1995.
[Couverture du magazine Trends, 1995, Collection privée J. Cornelis]
Albert Eylenbosch présida donc le CPAS de Saint-Gilles pendant un quart de siècle, de 1971 jusqu’à sa prise de pension en 1995. Énormément attaché à son travail et ses différentes activités, Eylenbosch reconnaissait en fin de carrière son plus grand regret « J’ai sacrifié un peu ma vie familiale pour satisfaire ma vie professionnelle ». Des renoncements peut-être nécessaires pour le bien commun.
Pionnier, courageux et humaniste, il a été un homme novateur par des temps difficiles, un esprit visionnaire qui s’est attaqué aux problèmes de son époque. Il a transmis son héritage à tous ceux qui ont reçu son aide et aux personnes qui ont refait le monde avec lui. Souffrant d’une thrombose qui lui a valu un long séjour à l’hôpital Molière, il n’a pas manqué d’ironiser ainsi: « J’ai eu l’occasion d’essayer mon propre hôpital ! ». Cette maladie a progressivement éteint son existence, mais jamais la volonté de donner une voix à ceux qui n’étaient pas écoutés n’a pâli. Le dévouement qui a caractérisé ses actions lui ont permis de recueillir la récompense de ce qu’il avait déjà semé. Grâce au soutien de sa famille et de ses collaborateurs, il a continué d’être conseiller au CPAS de Saint-Gilles jusqu’en 2001. Albert Eylenbosch est décédé le 20 avril 2006 à la maison de repos « Les Tilleuls » pour laquelle il avait consacré une partie de sa carrière.
[Fresque en hommage à Albert Eylenbosch au CPAS de Saint-Gilles]
Sources:
- Article du journal VLAN du 4 juin 2003.
- Article du Centre de documentation et de coordination sociale (CBCS) de 1998.
- Archives du Palais Royal.
- Archives communales de Saint-Gilles.
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