Bourgmestres

Louis Mettewie, libéral progressiste, industriel et bourgmestre molenbeekois (1855-1942)

Jusqu’il y a peu, l’historiographie n’avait pas pris la mesure de l’importance capitale de Louis Mettewie pour le développement de la commune de Molenbeek-Saint-Jean pendant les quatre premières décennies du 20e siècle. Aucune biographie ni notice biographique ne lui est consacrée, aucune étude spécifique n’éclaire son parcours et son action. Depuis 2020, un projet de recherche sous la direction d’Anne Morelli (ULB) est en cours et tend à combler cette lacune.

Les éléments fragmentaires connus de ses jeunes années laissent apparaître l’appartenance à un milieu de classe populaire en pleine ascension sociale. Le père, Jean-François Mettewie, ouvrier carrossier, devient contremaître au sein de l’importante entreprise de transports Van Gend, à Bruxelles. Deux des frères de Louis Mettewie s’établissent à leur compte, l’un comme carrossier, l’autre comme mécanicien. Lui-même est un temps apprenti menuisier chez Van Gend, puis, entame, vers 1876, une carrière de fonctionnaire au Ministère de la Guerre.

En 1892, ce parcours prend brusquement fin avec la révocation de Louis Mettewie à qui le ministre Charles Pontus reproche son militantisme en faveur du suffrage universel. L’intervention du député libéral Eugène Robert à la Chambre, en soutien à Mettewie, n’y change rien.

Louis Mettewie s’oriente alors vers deux nouveaux domaines : D’une part, il rejoint les promoteurs des nouvelles installations portuaires de la ville de Bruxelles. Il y rencontre l’industriel molenbeekois Jean Dubrucq « Jan Port-de-mer » et le bourgmestre molenbeekois Henri Hollevoet, tous deux membres influents au sein du Parti libéral local. D’autre part, il s’associe avec l’un de ses frères et lance, à Molenbeek, sous l’enseigne « Belgica », la fabrication de vélos, puis, de voitures. Sur tous les plans, le succès est au rendez-vous. Entre 1900 et 1922, naissent le nouveau port de Bruxelles installé sur le premier tronçon du Canal de Willebroeck largement modernisé, ainsi que le site douanier et ferroviaire de Tour & Taxis. Le vélo pliable « Belgica » est adopté par l’armée belge et les voitures « Belgica » connaissent une fortune certaine. On notera que Louis Mettewie donne congé à ses ouvriers le 1er mai, afin qu’ils puissent participer aux manifestations organisées par le Parti ouvrier belge.

Engagé dans la promotion de la mobilité mécanisée, Louis Mettewie est l’un des initiateurs des Salons de l’Automobile et du Vélo organisés depuis 1902 à Bruxelles. Sa propre carrière d’industriel prend cependant fin en 1909, avec la faillite de son usine de voitures qui, bien qu’elle se soit associée à un partenaire industriel, n’a pas résisté à la concurrence internationale.

[Anonyme, Portrait de Louis Mettewie en uniforme d’apparat de bourgmestre, HST, s.d., coll. d’oeuvres d’art de la commune de Molenbeek-Saint-Jean, inv. n° 853]

 

La carrière politique de Louis Mettewie démarre en 1899, lorsqu’il entre au Conseil communal de Molenbeek. Dès le départ, il obtient une charge d’échevin, celle des Finances. Rapidement, il s’impose au sein de la section locale du parti libéral au point de remplacer, en 1914, le bourgmestre Julien Hanssens malade et décédé peu après. Confirmé et nommé bourgmestre en 1919, Louis Mettewie reste en poste jusqu’en 1938 lorsqu’une coalition socialiste-catholique sous la houlette d’Edmond Machtens évince le Parti libéral.

Pendant les presque 40 ans de sa carrière municipale, Louis Mettewie agit comme un moteur du développement urbain de sa commune. Sa propre sensibilité sociale et les rapports de force au sein du Conseil communal l’amènent à s’associer régulièrement avec le POB. Ce dernier pèsera d’autant plus sur la politique locale qu’il finit par dépasser le Parti libéral en nombre d’élus.

Les grands chantiers comprennent notamment :

  • le développement urbain du quartier dit Maritime (en référence au nouveau Port Maritime et à la Gare Maritime construite sur le site de Tour & Taxis) dont le Boulevard du Jubilé et le Boulevard Belgica deviennent de grandes artères bordées de maisons bourgeoises,
  • le désenclavement et l’urbanisation du vaste quartier dit rural (la partie occidentale de la commune encore largement agricole) avec, en point d’orgue, le tracé du Boulevard Louis Mettewie ouvert à la circulation en 1938,
  • la construction de la nouvelle église Saint-Jean-Baptiste en style Art déco d’après les plans de Joseph Diongre et l’embellissement des abords,
  • la construction de nombreux logements sociaux sous la direction de la Société anonyme des Habitations ouvrières de Molenbeek-Saint-Jean fondée en 1899, à l’initiative des libéraux, et présidée, depuis 1899 et jusqu’en 1940, par Louis Mettewie,
  • la lutte contre les taudis par la suppression de certaines impasses insalubres,
  • la modernisation du Canal de Charleroi, afin de le rendre accessible aux péniches de plus grands gabarits,
  • l’extension du réseau scolaire communal par l’agrandissement des écoles existantes et la construction de nouvelles écoles maternelles, primaires et moyennes, ainsi que la construction de la première bibliothèque publique communale,
  • le soutien à la construction de grandes infrastructures sportives par l’initiative privée, à savoir l’éphémère vélodrome du Karreveld et le complexe sportif du Daring Club avec stade de football et d’athlétisme, courts de tennis, terrains de hockey et piscine de plein air,
  • l’extension des galeries funéraires du cimetière communal par des constructions monumentales en style néoclassique.

Ce bilan impressionnant connaît cependant des échecs tels que la fermeture de l’hôpital communal et les performances insuffisantes de l’incinérateur des ordures qui amènent l’arrêt et la suppression de cette usine.

Il est indubitable que Louis Mettewie a bénéficié d’une popularité réelle à Molenbeek. Le rôle de défenseur déterminé de la population face à l’occupant allemand pendant la Première Guerre mondiale y a contribué tout comme les initiatives prises ultérieurement en soutien aux victimes de cette guerre. On peut également souligner son esprit de tolérance affiché vis-à-vis des croyants qui n’est sans doute pas étranger à son appartenance à la franc-maçonnerie.

Louis Mettewie meurt en 1942 et est enterré en toute discrétion. Si des hommages officiels ne pouvaient être rendus à ce moment-là, ils n’ont jamais été rendus par la suite.

 

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