Santé publique et salubrité, Vie scolaire

Les écoles de Saint-Gilles face aux maladies contagieuses au XXe siècle

Actuellement en Belgique, si la généralisation de la vaccination a permis le recul – voire dans certains cas l’éradication – de nombreuses maladies infectieuses, le vingtième siècle connaît régulièrement des périodes d’épidémies. Dès le dix-neuvième siècle, le mouvement hygiéniste développe des mesures afin de lutter contre l’insalubrité et d’endiguer le plus possible l’étendue des contagions. La santé publique est devenue un enjeu d’État. L’hygiène en milieu scolaire va notamment être un axe majeur de cette politique : l’école est un lieu propice au développement de maladies contagieuses du fait de la proximité entre les élèves, l’infection se propageant très rapidement lorsque ces derniers contaminent ensuite leurs foyers.

Comment la prise en charge des maladies contagieuses se présente-t-elle dans les écoles saint-gilloises durant la première moitié du vingtième siècle ? Les archives de l’inspection médicale scolaire nous en apprennent plus à ce sujet.

Les acteurs de la médicalisation scolaire

Au niveau communal, ce sont d’abord le personnel enseignant et le personnel des crèches qui sont chargés de diffuser les règles d’hygiène auprès des élèves et de s’assurer de la santé de ceux-ci. Ils ont pour instruction de signaler à leur direction tout cas de maladie infectieuse, qu’elle soit avérée ou suspectée.

Les professionnels de santé sont des intermédiaires majeurs de la lutte contre les épidémies. Il y a bien sûr les médecins traitants des familles, qui délivrent les certificats médicaux et sont régulièrement en contact avec les autorités communales concernant la situation des foyers malades. Toutefois, la première moitié du vingtième siècle voit le développement progressif d’un véritable corps médical affecté aux écoles : le service d’inspection hygiénique et médicale scolaire. Celui-ci assume diverses missions : le contrôle de la salubrité des locaux, la visite du personnel enseignant absent pour maladie, le contrôle médical des enseignants et des élèves ainsi que la transmission de conseils aux parents concernant la santé de leurs enfants.

Au sein de ce service sont affectés des médecins-inspecteurs, chacun étant référent pour un établissement. Leur mission principale est l’auscultation des enfants malades ou suspectés de l’être, aussi bien à l’école et à domicile, ou encore des élèves revenus à l’école à la suite d’une maladie. L’équipe médicale est également constituée de médecins spécialistes, de chirurgiens-dentistes et d’infirmières scolaires. Ces dernières assurent une présence sur place quotidienne, se déplaçant dans les différentes écoles communales et allant même jusqu’à visiter et soigner – avec l’accord des parents – les enfants malades à domicile.

Le service d’inspection hygiénique et médicale scolaire se réunit régulièrement à l’Hôtel de Ville où il débat de l’organisation et propose des évolutions avec le concours de l’échevin de l’Instruction publique.

[Extrait d’un livret d’instructions à destination du personnel médical scolaire, s.d. Fonds du Service de l’Hygiène, série relative à l’inspection médicale scolaire, 22/I/1. Archives communales de Saint-Gilles.]

Les mesures prises

L’attention portée par les autorités à la lutte contre les maladies infectieuses est prégnante au sein du milieu scolaire et se traduit par diverses mesures mises en place et pleinement intégrées au quotidien des établissements.

Concernant l’écartement de membres du personnel scolaire ou des enfants pour cause de maladie contagieuse, rien n’est laissé au hasard. Chaque type d’infection se voit associer une durée d’écartement imposé, pouvant aller de quelques jours à plusieurs semaines. Le délai passé, pas question pour autant de réintégrer l’élève sans garantie ! Ses parents doivent alors fournir un certificat médical attestant que la contagion n’est plus possible. Signe de l’importance que prend progressivement le rôle de l’inspection médicale scolaire, ses médecins ont notamment pour tâche de passer dans les classes afin d’examiner les enfants revenus de maladie, et dans certains cas peuvent ne pas tenir compte du certificat délivré par le médecin de famille.

[Instructions concernant la réadmission des enfants malades à l’école, 1935. Fonds du Service de l’Hygiène, série relative à l’inspection médicale scolaire, 22/I/1. Archives communales de Saint-Gilles.]

Lorsque le risque d’épidémie est imminent, ou que celle-ci est déjà bien installée, des mesures plus drastiques s’imposent : le renvoi de classes entières, voire la fermeture pure et simple de la crèche ou de l’école. Seul le bourgmestre est autorisé à acter la décision d’exclure des élèves malades ou fermer l’établissement contaminé.

L’essor des recherches sur la microbiologie rend une mesure d’hygiène incontournable : la désinfection. À Saint-Gilles, un service communal de désinfection est créé dès 1893. Au niveau scolaire, la gestion de la désinfection est principalement assurée en interne par les agents du service de désinfection, mais également par les concierges des écoles. Une lettre fait même mention que le concierge de l’école n°6 est si occupé par ses tâches de sanitarisation qu’il n’a plus le temps de s’affairer aux autres activités dont il a la charge ! Les agents communaux peuvent d’ailleurs être également mobilisés pour procéder à la désinfection jusque dans les habitations des personnes infectées.

[Fermeture temporaire de la crèche Jourdan pour cause de coqueluche, 1922. Fonds du Service de l’Hygiène, série relative à l’inspection médicale scolaire, 22/I/4. Archives communales de Saint-Gilles.]

Progressivement, des sociétés privées se développent et proposent pour certaines de réaliser les désinfections elles-mêmes, tandis que d’autres inventent et commercialisent des appareils de désinfection à destination des entreprises, des administrations ou des particuliers. L’un des désinfectants les plus utilisés à l’époque est le formol, composé qui depuis le XIXe siècle est connu pour ses qualités désinfectantes et était utilisé jusqu’à récemment dans de nombreux domaines (thanatopraxie, cosmétique, conservation alimentaire.). Il est depuis 2004 reconnu par le Centre international de Recherche sur le Cancer comme cancérigène et son usage est depuis lors interdit dans de plus en plus de secteurs.

[Publicité de la société Le Thermoformol et mode d’emploi de leur appareil de désinfection, 1900. Fonds du Service de l’Hygiène, série relative à l’inspection médicale scolaire, 22/I/2. Archives communales de Saint-Gilles. ]

Le Service de l’Inspection médicale scolaire et le service d’Hygiène ont joué, au niveau communal, un rôle actif dans l’amélioration du contrôle des épidémies en milieu scolaire. Avec un suivi à domicile des élèves malades par les infirmières scolaires et les agents de désinfection, des efforts de sensibilisation des parents ou encore un dialogue constant entre médecins scolaires, médecins des familles et autorités communales, il est clair que l’action du milieu médical scolaire ne s’arrêtait pas aux portes de l’école et a significativement aidé à la diffusion des règles d’hygiène au sein de la population.

Sources et bibliographie

Archives communales de Saint-Gilles, inventaire 21 - fonds du service d’hygiène, série relative au service communal de désinfection.

Archives communales de Saint-Gilles, inventaire 22 – fonds du service d’hygiène, série relative à l’inspection médicale scolaire.

Imbach, S. (2024, April 24). Interdiction du Formol, pourquoi ce produit est-il dangereux ? IBL Specifik Matériel Professionnel De Nettoyage Et De Désinfection. Consulté en octobre 2024. https://www.iblspecifik.com/interdiction-du-formol/

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