Au milieu du village de Schaerbeek se trouvait une vallée où coulait un ruisseau, le Roodenbeek. L’histoire rapporte qu’à son retour de Palestine, en 1574, un pèlerin a trouvé ce site très ressemblant à la vallée Josaphat située aux abords de Jérusalem. Le nom lui est resté. Une colonne de granit a été érigée à l’entrée de la vallée au lieu-dit Heiligenberg (près de l’actuelle avenue Chazal), en souvenir de cette dénomination.
La vallée, qui s’étend sur deux kilomètres, est très escarpée et parcourue de petits chemins de terre. À partir du XVIe siècle, plusieurs propriétaires y font construire des maisons de plaisance. Quelques estaminets sont également construits pour la plus grande joie des promeneurs qui peuvent s’y rafraîchir le gosier (lire l’article « Grignoter sous les frondaisons »).
[La Vallée Josaphat, carte postale, Fonds iconographique (FG.A.CP.0747), Archives communales de Schaerbeek]
[L’estaminet « Le vieux château vert », carte postale, Fonds iconographique (FG.A.CP.1933), Archives communales de Schaerbeek]
La vallée est également célèbre pour sa Fontaine d’amour, aux vertus réputées curatives (lire l’article « La Fontaine d’amour »).
[La Fontaine d’amour, carte postale, Fonds iconographique (FVDH.A.CP.0019), Archives communales de Schaerbeek]
Au cours du XIXe siècle, Bruxelles et ses faubourgs changent de visage. La destruction des deux enceintes entraîne l’aménagement de grands boulevards dont le Boulevard Militaire (aujourd’hui il consiste en l’ensemble des boulevards qui forment la grande ceinture). Il est alors prévu de le prolonger par Schaerbeek jusqu’à l’entrée de Laeken. Le futur boulevard Lambermont et la construction de la ligne de chemin de fer vers Malines entraînent un réaménagement complet du quartier Teniers-Josaphat. Les autorités communales souhaitent transformer la vieille vallée en un parc d’agrément public. En 1898, l’échevin de Travaux public, Émile Van den Putte présente le projet devant le Conseil communal. Le projet est approuvé et entériné par l’arrêté royal du 10 février 1902. L’achat des différents terrains qui vont constituer le futur parc commence. Une résistance se dresse néanmoins en la personne de la veuve Martha, propriétaire d’une villa que l’on transformera plus tard en Laiterie. Le prix qu’elle propose alors à la commune est jugé trop élevé et rejeté. Elle montre alors son intention de mettre des lots de son terrain en vente publique avec obligation de faire abattre les arbres. Cela parvient jusqu’aux oreilles du roi Léopold II qui intervient pour mettre fin aux désaccords.
[Faire-part de décès de Joséphine Baetens veuve Martha, 1908, Archives communales de Schaerbeek]
[Plan d’aménagement de Schaerbeek, 1905, Archives communales de Schaerbeek]
Le parc peut enfin être aménagé. Le jardinier communal en chef, Edmond Galoppin, conçoit un parc à l’anglaise, qui conserve l’aspect pittoresque original de la vallée. Le 26 juin 1904, le parc, bien qu’encore incomplet, est inauguré. Dans son discours, l’échevin Van den Putte, déclame le poème écrit au XVIe siècle par Jean-Baptiste Houwaert, qui avait alors son manoir sur le territoire de Saint-Josse-ten-Noode. En voici un petit extrait :
In’t zonnige dal,
In’t luchtige, groene Josaphat’s dal
Nabij het oude Scarenbeka,
Daar bloien rozekens fijn,
En schuilen lieve maagdelijn,
In’t zonnige dal,
In’t luctige, groene Josaphat’s dal !
Le 3 juillet 1904, le roi Léopold II vient visiter le parc qu’il a contribué à faire naître. Le parc Josaphat devient rapidement un lieu populaire de promenade. On s’y balade dans le calme par les allées ombragées, on y découvre des cygnes et des canards aux détours des étangs. On vient même de très loin pour admirer la volière aux oiseaux, et sa star, le paon (lire article « Archives à la loupe: les paons du parc Josaphat » ). Le parc possède également une plaine de tir à l’arc (lire l’article: « Tir à l’arc au parc Josaphat »). En 1914, on ajoute, à l’extrémité nord, la plaine des jeux et des sports (lire article « Entre les pavés, la plage« ).
Le parc est également un lieu de cultures potagères. Dès son inauguration, les autorités communales marquent leur volonté d’utiliser le parc comme lieu d’enseignement à l’horticulture et au maraîchage. Un jardin de culture est aménagé en 1907 à proximité de l’ancienne villa Martha. Dès la première guerre mondiale, une langue de terre est occupée par l’œuvre des « Colons de la Ligue du Coin de Terre » (emplacement du futur mini-golf, créé par le paysagiste René Pechère en 1954, lire article: « Minigolf à Schaerbeek »). Le jardin de culture disparaît après la première guerre mondiale mais des serres viennent le remplacer peu après.
[Jardin horticole, photographie, Fonds iconographique, Archives communales de Schaerbeek]
[Parcours de minigolf, carte postale, Fonds iconographique (FVDH.A.CP.0024), Archives communales de Schaerbeek]
Le parc est également un musée à ciel ouvert où l’on peut admirer bon nombre de sculptures. La plupart sont des monuments dressés en l’honneur de personnalités schaerbeekoises comme le musicien Henri Weyts ou l’écrivain George Eeckhoud (lire article: « Archives à la loupe: les sculptures dans le parc Josaphat »).
[Sculpture « Eve et le serpent » d’Albert Desenfans, carte postale, Fonds iconographique (FG.A.CP.0343), Archives communales de Schaerbeek]
Entre 2006 et 2011, le parc Josaphat a fait l’objet d’une restauration conséquente. Il est toujours un lieu central de la vie sociale et culturelle de la commune.
De tous temps, la beauté bucolique de la vallée Josaphat puis du parc, a aussi été une source d’inspiration pour les peintres.
« Schaerbeek, cité des fleurs »
Extrait du film « Schaerbeek, cité des fleurs » (muet), années 1950, numérisation: Alvos films, Archives communales de Schaerbeek
Sources :
- E. BARTHOLEYNS et Fr. FISCHER, Le parc Josaphat, Schaerbeek, 1904.
- Le parc Josaphat dans « inventaire du patrimoine architectural » consultable en ligne ici: http://www.irismonument.be/fr.Schaerbeek.Avenue_des_Azalees.A001.html)
- Y. HANOSSET et Cr. MARCHI, L’avenue Louis Bertrand et le parc Josaphat, Bruxelles, 2006, coll. « Bruxelles Ville d’Art et d’Histoire », n°6 – consultable en ligne ici : http://patrimoine.brussels/decouvrir/publications/bruxelles-ville-dart-et-dhistoire/lavenue-louis-bertrand-et-le-parc-josaphat
© Archives communales de Schaerbeek
Merci beaucoup pour toutes les informations, j’habitais à côté du parc et j’ai passé la plupart de mes jeunes années, d’abord dans le petit parc avec le bac à sable et puis plus grande en promenade dans le grand parc. Que de bons souvenirs 💓